« Accompagner et non pas forcer… »

La visite à domicile d’un patient souffrant de maladie mentale requiert une vigilance redoublée et obéit au respect de bonnes pratiques spécifiques. Piqûre de rappel sur les règles à observer pour les IDEL qui se rendent au domicile de patients notamment pour s’assurer qu’ils prennent correctement leur traitement et qu’ils ne mettent ainsi par leur vie ni celle d’autrui en danger.

Les infirmiers libéraux doivent faire preuve d’un sens aigu de… psychologie pour eux comme pour leurs patients atteints de troubles mentaux lors des prises en soins à domicile.

Les bonnes pratiques en matière de visite à domicile de patients psychiatriques ne diffèrent pas selon qu’elle est effectuée par des infirmiers hospitaliers membres d’un service psychiatrique ou par des infirmiers libéraux.

Des étapes-clés à respecter

Tout d’abord, sur le plan juridique, et cela vaut pour l’infirmier libéral, la visite à domicile suppose l’accord de la personne concernée. Un préalable parfois synonyme de positionnement délicat pour le professionnel de santé, en quelque sorte pris en étau entre l’obligation de soin (sous peine de pouvoir être accusé de non-assistance à personne en danger) et la violation de domicile. Ce paradoxe rend nécessaire un cadre éthique basé sur le respect du patient, ce qui est incontournable, alerte d’emblée Nicolas Grandchamp, infirmier coordinateur au service de psychiatrie du centre hospitalier Paul Martinais à Loches (Indre-et-Loire). La visite à domicile est fondée sur une prescription médicale délivrée par le médecin psychiatrique ou le médecin traitant. La première étape consiste donc à obtenir le consentement du patient. Le but est de l’accompagner et non pas de le forcer, insiste Nicolas Grandchamp.

Ceci étant acquis, il faut ensuite savoir être accueilli. Nous sommes perçus comme des personnes intrusives. C’est pourquoi rester sur le seuil de la porte quelques minutes est par exemple très important, suggère Jean-Michel Bourelle, infirmier de secteur psychiatrique et formateur consultant permanent au GRIEPS de Lyon (Rhône). Les patients étant très sensibles aux variations de leur environnement, l’IDEL doit ensuite rapidement évaluer leur humeur du jour, par exemple en parlant avec eux de tout et de rien. En effet, plus on communique, plus il y a des chances que la visite se passe bien. En fin d’intervention, il convient de fixer le prochain rendez-vous et veiller à ce que le patient le note dans son agenda.

Deuxième règle, l’IDEL doit prendre ses distances à l’égard du malade sur le plan intellectuel, ne surtout pas se faire happer, résume Nicolas Grandchamp. Il convient ensuite fixer, en accord avec lui, des objectifs afin d’inscrire chaque visite dans un processus dynamique : comment voit-il sa prise en charge ? Qu’attend-il de l’IDEL qui se déplace à son domicile et s’assure de la bonne prise du traitement ?… Il est nécessaire d’instaurer une sorte de colloque singulier, un dialogue qui permette à l’infirmier libéral d’instaurer autant que possible un rapport de confiance. En clair, le savoir être est primordial. Par expérience, je constate que le fait d’être vrai avec les patients facilite l’apprentissage de la résilience, souligne Nicolas Grandchamp. Et de rappeler qu’un patient psychiatrique stabilisé peut retourner vivre à son domicile. La question est de savoir si les patients sont dangereux pour eux-mêmes ou pour autrui. A cet égard, il revient à l’IDE de secteur psychiatrique de s’assurer régulièrement de la capacité du patient à gérer les tâches du quotidien comme ouvrir son courrier, payer ses factures, faire ses courses… sachant que beaucoup vivent dans des conditions très précaires.

« Travailler main dans la main »

A noter qu’en pareil cas l’infirmier libéral ne doit pas être livré à lui-même. Il est impératif qu’il officie en coordination avec l’équipe pluridisciplinaire, ce qui s’avère à la fois primordial, notamment pour que le patient adhère aux soins, mais pas toujours simple à mettre en place. N’importe quel infirmier libéral qui se sent en difficulté peut faire appel aux Centres médico-psychologiques (CMP) de secteur, rappelle Nicolas Grandchamp. Il ne faut pas hésiter à activer ce réseau et à travailler main dans la main. D’autant que la présence d’un infirmier libéral chez le patient est en général assez brève, même s’il n’est pas rare qu’il leur arrive de passer 25 min pour administrer trois comprimés chez un patients psy.

En somme, les IDEL doivent faire preuve d’un sens aigu de… psychologie pour eux comme pour leurs patients atteints de troubles mentaux. Le travail réalisé par les infirmiers de secteur psychiatrique favorise certes le retour à domicile, explique Jean-Michel Bourelle. Mais les IDEL sont aussi là pour créer du lien social dans la mesure où  ils incarnent parfois le premier contact venant de l’extérieur. Ce lien est indispensable car les troubles psychiques sont source d’angoisse, d’anxiété et d’isolement. De ce fait, une grande responsabilité pèse sur leurs épaules. D’autant qu’en psychiatrie, les visites à domicile, en particulier d’infirmiers libéraux, sont désormais monnaie courante. Plusieurs raisons à cela, à en croire les deux experts. D’abord parce que depuis une trentaine d’années, on estime que l’autonomie psycho-sociale des patients constitue l’essence-même du soin. Par ailleurs,  la prise en charge des traitements neuroleptiques et antipsychotiques a connu de réelles avancées. Enfin, restrictions budgétaires obligent, la suppression de lits en secteur psychiatriques à l’hôpital est devenue une constante.

Des soins psychiatriques pas à n’importe quelle condition

Le Code de la santé publique définit les modalités de soins en psychiatrie, réformées en juillet 2011  et en septembre 2013. Il pose le principe du consentement aux soins des personnes atteintes de troubles mentaux, définit ses modalités d’application et précise l’exception des soins sans consentement. La règle est que le patient psychiatrique reste un citoyen à part entière. Les hospitalisations longues ne doivent pas être la règle. Le patient doit être informé de ses droits des voies de recours. Il doit pouvoir présenter ses observations, si son état le permet, quant aux décisions et aux soins le concernant mais aussi y être le plus possible associé. Par ailleurs, tout patient faisant l’objet de soins psychiatriques peut bénéficier de soins ambulatoires à condition de respecter un programme précis, comme le stipule la loi du 5 juillet 2011. Il doit ainsi accepter de rencontrer l’infirmier en psychiatrie du secteur et que ce dernier vienne à son domicile pour s’assurer de la bonne prise du traitement ; de consulter le psychiatre une fois par mois ; de participer à une activité thérapeutique une fois par semaine.

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